Sous un titre un brin provocateur, je souhaiterais mettre à jour quelques unes de mes réflexions sur le système prostitutionnel.
J’aimerais d’abord préciser un point : je ne suis pas, ni n’a été prostituée (1). Et, bien que ce qui soit le plus important dans la prostitution, ce vers qui on doit concentrer tous nos efforts sont les personnes prostituées, je ne veux pas parler d’elles aujourd’hui. Je veux parler des prostitueurs. Les prostitueurs sont les hommes (2) qui achètent un acte sexuel auprès d’une ou plusieurs personnes, femmes, hommes, adultes, enfants.
Et j’applique, à ces hommes, mon raisonnement sur les violences sexuelles. Celui-ci est basé sur ce qu’on peut appeler la stratégie ou le comportement de l’agresseur. C’est ce point qui définit s’il y a violence (et non pas le comportement de la victime) (3).
Ainsi, je considère le comportement du prostitueur comme intrinsèquement violent. Pourquoi ?
Le prostitueur est égoïste. Il a recours à la prostitution car il souhaite obtenir quelque chose, pour lui. Pour qui d’autre ? Pour aider financièrement les personnes prostituées ? Si c’était le cas, il leur donnerait de l’argent sans rien demander en retour. Mais non, il ne pense qu’à lui, son plaisir, ses envies, ses « besoins » en ayant en tête toute sorte de justification : j’ai des besoins sexuels, personne ne veut coucher avec moi, ces femmes sont là pour ça, si elles sont là c’est parce qu’elles le veulent…
Certains vont se persuader qu’ils sont « gentils » : je fais que ce dont elle a envie, je veux qu’elle prenne du plaisir, je la laisse faire ce qu’elle veut, je lui parle, je ne la frappe pas, je lui demande son âge et si elle est prisonnière d’un réseau…
Il faut être assez stupide pour croire que les personnes prostituées vous diront qu’elles sont sous la contrainte d’un réseau ou qu’elles sont mineures, qu’elles n’aiment pas ce qu’elles font, qu’elles veulent fuir. Ça peut arriver, j’en suis sûre ; je suis même persuadée que ça peut se voir, se ressentir. Et dans ces cas-là, croyez-vous que ces « gentils » prostitueurs rebrousseront chemin ? Je suis persuadée qu’ils veulent simplement se donner bonne conscience. « Tant qu’elle acquiesce, c’est bon, elle consent, je peux faire ce que je veux ».
Mais ce que ces « gentils » ne veulent pas admettre, c’est qu’ils ont un point commun avec les « méchants », qu’ils ont un point commun avec tous les violeurs. Aucun d’entre eux ne sont dans une relation humaine. Ils ne sont pas dans un échange avec un être humain. Ils n’ont que faire de ses désirs, ses envies et surtout, ses non-envies. Ils n’ont que faire de sa vie, pourquoi elle est là, qu’est-ce qu’elle veut, qu’est-ce qu’elle aime, de quoi elle rêve, de quoi elle a peur… A leurs yeux, consciemment ou non, la prostituée n’est pas une personne à part entière. Ils ne l’ont pas rencontrée , ils l’ont choisie, ils l’ont sélectionnée. Ils la choisissent grande, petite ou brune. S’ils n’ont pas de critères physiques, ils auront toujours le critère de la prostituée : ils choisissent une prostituée, car elle est là pour ça.
Donc, soit le prostitueur sélectionne concrètement sa marchandise et l’évalue tel un objet de consommation et dans ce cas, il nie totalement l’humanité de la personne prostituée. Soit, il prend n’importe laquelle, mais une prostituée tout de même, et alors, il nie aussi son humanité car il y a les femmes, celles à qui on ne demande pas, et les prostituées, celle à qui on peut (4). Car les femmes, on peut les respecter, elles ont des envies. Mais les prostituées, elles n’en ont pas. Ou bien, elles ont toujours envie ? Si le prostitueur pense qu’elles n’ont pas d’envies, alors il les viole car elles n’ont pas envie. Et peut-on sincèrement croire que des milliers (millions) de femmes se tournent vers la prostitution car elles ont une libido tellement débordante qu’elles veulent toujours, tout le temps, avec n’importe qui, n’importe où, n’importe comment ?
La sexualité (si on peut l’appeler ainsi…) des prostitueurs est profondément égoïste et violente. Elle ne tourne qu’autour d’eux et est combiné avec le principe de libre disposition du corps des femmes. C’est cette vision qui fait de lui un violeur à très fort potentiel. Et le fait que, concrètement, il ne soit pas un violeur dépend des personnes qu’il a en face de lui, d’une histoire de coup de bol. Mais sa sexualité restera la même. Il a une sexualité de violeur. Et s’il a cette vision de la sexualité envers certains êtres humains, pourquoi cela n’affecterait-il pas les autres êtres humains? Pourquoi sa sexualité serait différente avec les « autres« , avec les femmes ? Comment pourrait-on faire une distinction entre les femmes d’un côté et les prostituées de l’autre sans nier l’humanité de toutes les femmes ?
Tous les prostitueurs sont des violeurs.
(1) Je me suis posée la question sur la meilleure des façons d’écrire ceci. J’ai préféré utiliser l’expression « être prostituée » plutôt qu’ « être une prostituée » car la première me semble plus relever d’une action et la seconde d’un rôle, un statut, une étiquette (comme si les femmes prostituées n’étaient définies que par ça).
(2) Il serait assez hypocrite de cacher cette réalité sociale. 99% des prostitueurs sont des hommes.
(3) Voir sur mon blog : Qu’est-ce qu’un viol ? & La stratégie de l’agresseur
(4) Mise à jour : on me fait remarquer très justement l’ambiguïté de ces propos. J’essayais de retransmettre ce que traduisent les agissements et les pensées des prostitueurs : ils font la distinction femmes (respectables)/prostituées (de l’ordre des sous-femmes ? donc qui ne font pas pleinement partie de l’humanité). Et je suis absolument écœurée par cette façon de penser. C’est cette façon de voir qui est déshumanisante. Pour que ce soit plus clair, j’ai mis en italique les mots « femmes » et « prostituées » quand il étaient utilisés dans le sens que leur donnent les prostitueurs.